Comment s’informer aujourd’hui?

Résumé d’une conférence donnée par Camille Andres, directrice du Prix Farel le 18 octobre 2025.

7 novembre 2025

Les manières de s’informer ont évolué – et les YouTubeurs, dont le Prix Farel a accueilli quelques brillant.es représentant.es, ont joué un rôle prépondérant en la matière. Nous sommes nombreux à être épuisés face aux flux d’information et à vouloir ‘couper de l’actu’. Pourtant la désinformation se professionnalise. Comment y faire face ? Comment rester au courant sans tomber dans la fatigue informationnelle, l’anxiété, le doute permanent?

Résumé d’une conférence donnée par Camille Andres, directrice du Prix Farel le 18 octobre dernier auprès du Mouvement chrétien citoyen à Chavannes-près-Renens. Une réflexion ouverte et non une recherche académique!

  • Les manières de s’informer ont évolué. Le Prix Farel a d’ailleurs choisi de s’ouvrir à de nouveaux formats, ceux des explainers. Ces courtes vidéos explicatives produites avec les formats et codes de YouTube sont aujourd’hui des outils précieux pour défaire les idées reçues, pointer des discours fallacieux, expliquer des phénomènes, décoder des situations, revenir sur des approximations ou simplifications. Elles existent dans bien des domaines (histoire, cinéma, archéologie, rhétorique, religion…). Ces productions sont souvent le fait de pédagogues hors pair qui ont pour habitude de partager leurs sources et d’ouvrir la discussion avec leur communauté.


  • Les YouTubeurs ont renouvelé l’information. Bien entendu, leurs productions dépendent des algorithmes numériques et n’est pas un travail journalistique au sens classique du terme, mais c’est un complément nouveau, bienvenu et dont les médias s’inspirent aujourd’hui volontiers (incarnation, ton, codes, humour…) pour leurs propres contenus. Ils s’inscrivent dans un paysage informationnel à plusieurs titres.


  • Aujourd’hui, s’informer épuise : l’infobésité, la connexion permanente, les choix des algorithmes qui enferment dans des bulles d’écho provoquent une saturation cognitive, un isolement intellectuel et une véritable fatigue. Cela peut conduire à un rejet ou à un évitement des médias voir à des soucis de santé mentale – en particulier pour certaines personnes déjà à risque.


  • Le champ médiatique est complexe. Il est caractérisé par une guerre informationnelle (entre États notamment), une économie dans laquelle l’attention des utilisateurs devient une ressource convoitée par des entreprises de technologies surpuissantes, bien plus que les médias traditionnels. Par ailleurs les formes de désinformations intentionnelles se multiplient, facilitées et démocratisées par l’IA. Les narratifs de post-vérité – selon lesquels opinions et faits seraient équivalents et tout aussi valables – se multiplient avec la fin des grands récits politiques et religieux. Si le complotisme en tant que tel a « vieilli », et reste minoritaire en tant que tel, certains de ses postulats peuvent trouver des échos auprès de catégories plus larges de la population par moment : une culture de la méfiance systématique envers les sources d’information officielles (médias, experts, institutions), un goût ou une banalisation des récits alternatifs, souvent construits sur la recherche de sens, la défiance envers les autorités, la polarisation, la confirmation des biais.


  • Une bonne information, la recherche de la vérité, a besoin d’un écosystème marqué par la confiance. Or, celle dans les médias s’érode et l’information via les réseaux sociaux se développe, en priorité parmi les plus jeunes mais pas uniquement. Par ailleurs, les médias sont menacés mondialement notamment sur le plan économique. Le 3 mai 2025, pour le dévoilement de son classement annuel sur la liberté de la presse, Reporters Sans Frontières a mis en lumière les pressions économiques directes ou insidieuses qui pèsent sur les médias : concentration de la propriété, pressions des annonceurs ou des financeurs, absence, restriction ou attribution opaque des aides publiques, perte des revenus publicitaires au profit des Gafam, ingérence des propriétaires dans leur travail … Dans 160 pays des 180 pays analysés par RSF, les médias ne parviennent pas à atteindre une stabilité financière. Dans près d’un tiers des pays du monde, des médias d’information ferment régulièrement, sous l’effet des difficultés économiques persistantes. Le financement toujours plus faible des médias réduit leur rôle et leurs capacités de travail.


  • Les médias ne sont pas parfaits, – manque de diversité, difficulté à se renouveler, à prendre en compte les besoins des publics –, ils restent cependant des intermédiaires précieux et au savoir-faire rôdé pour décrypter, hiérarchiser, expliquer, etc.. Leur rôle est parfois incompris – d’où l’importance de l’éducation aux médias. Le journalisme reste un artisanat – même si la production et la diffusion d’informations reste une industrie.


  • Dans ce contexte, s’informer demande un engagement et une disponibilité intérieure. Cela passe d’abord par une part d’efforts : varier ses sources et ne pas se laisser dicter ses choix par des algorithmes, sélectionner les médias qui nous intéressent, le rythme qui nous convient, soutenir financièrement les médias qui nous semblent cruciaux, y compris si on ne lit pas tout leur contenu. Cela demande aussi une posture intérieure : déconnecter et partager autour des informations consultées. Savoir faire le vide face à la saturation. Garder l’exactitude et la sincérité comme boussoles quand on reçoit et qu’on partage des informations. Élaborer son ‘bilan carbone’ personnel face à chaque information. Retrouver l’équilibre si on se sent saturé.